1 098 581 km²
République présidentielle[1]
Capitales : La Paz et Sucre[2]
Monnaie : le sucre
12,3 millions d’habitants (Boliviens)
[1] Officiellement l’État plurinational de Bolivie

[2] La Paz est la capitale administrative et Sucre la capitale constitutionnelle (judiciaire et législative). La plus grande ville est la capitale économique, Santa Cruz.

Totalement enclavée depuis la guerre du Pacifique perdue contre le Chili à la fin du XIXe siècle, la Bolivie partage 7252 km de frontières terrestres avec cinq pays : 1 212 avec le Pérou au nord-ouest, 942 avec le Chili au sud-ouest, 942 avec l’Argentine au sud, 753 avec le Paraguay au sud-est et 3 403 avec le Brésil au nord et à l’est.
L’Ouest bolivien est traversé par deux cordillères d’orientations nord-sud (culminant à plus de 6540 m) séparées par un vaste plateau, l’Altiplano, où vit la majeure partie de la population. Le salar d’Uyuni, situé au sud de l’Altiplano, est la plus grande étendue de sel au monde. L’Est est composé de vastes plaines, appartenant au bassin amazonien (au nord) et à la savane du Gran Chaco au sud (à cheval sur l’Argentine et le Paraguay). Partagé entre la Bolivie et le Pérou (respectivement 44 et 56 % de ses 8562 km²), le lac Titicaca est le plus haut lac du monde (à plus de 3800 m) navigable par de gros bateaux.
Un peu plus de 55 % des habitants sont des Amérindiens, membres de quarante groupes ethniques dont les plus importants sont, de très loin, les Quechua (30 %) et les Aymara (25 %). Les Métis et Cholo (issus du mélange d’indigènes et de Blancs) sont environ 30 %, les Blancs un peu moins de 14 % et les Afro-Boliviens descendant d’esclaves Noirs un peu plus de 1 %. La Bolivie compte trente-sept langues officielles (record mondial) : l’espagnol (parlé par environ 70 % de la population), le quechua (17 %), l’aymara (10 %), le guarani… Quelques dizaines de milliers d’anabaptistes mennonites, vivant dans la riche région agricole de Santa Cruz, s’expriment encore en plautdietsch, variante du bas-allemand prussien (mélange de vieux-allemand et de néerlandais).

Sur 90 % d’habitants déclarant une religion, 65 % sont catholiques et 20 % protestants (17 % d’évangéliques de toutes obédiences, baptistes, pentecôtistes, méthodistes, 3 % d’adventistes et des mennonites).
Proclamée en 1825 après la victoire de José Antonio de Sucre à Ayacucho en décembre précédent (cf. Amérique du sud), l’indépendance de la Bolivie ne lui garantit pas pour autant une quelconque stabilité politique. Originaire du Venezuela, le chef militaire qui a vaincu les Espagnols est en effet expulsé du pays et remplacé par le maréchal Andrés de Santa Cruz, natif de Bolivie et déjà Président du Pérou. En 1837, il décide d’ailleurs de fusionner les deux pays au sein d’une Confédération péruvio-bolivienne, dont il se décerne le titre de « protecteur suprême ». Mais l’Argentine et le Chili décident de mettre un terme à cette alliance, qu’ils considèrent comme une menace. D’abord victorieuses, les troupes confédérales sont battues, en 1839, par l’armée chilienne soutenue par des opposants péruviens. La Confédération s’effondre et Santa Cruz part pour un exil dont il ne reviendra pas. Le Pérou en profite pour envahir son voisin, lequel récupère son indépendance en novembre 1841, sous la direction de José Ballivián qui devient président de la Bolivie et lui offre une période de stabilité et de répit jusqu’en 1847. Les trente années qui suivent voient en revanche revenir le chaos, avec son lots de révolutions, de guerres civiles, de coups d’État et de changements de gouvernement.
Affaibli par cette instabilité chronique, le pays est attaqué en 1879 par le Chili, qui convoite ses mines de nitrate du désert d’Atacama et son port d’Antofagasta, par lequel est exporté ce produit nécessaire à la fabrication d’explosifs. Bien qu’alliée au Pérou, la Bolivie sort vaincue de cette guerre du Pacifique : elle doit céder au Chili 125 000 km² de territoire le long du Pacifique, perdant ainsi l’intégralité de sa façade maritime et se retrouvant totalement enclavée dans les Andes. N’ayant jamais renoncé à récupérer un accès sur le Pacifique, les Boliviens vont entretenir une base navale sur le lac Titicaca et fêter « le jour de la mer » tous les 23 mars.
En 1899, la guerre civile opposant les conservateurs aux libéraux s’achève, avec la victoire des seconds. Elle ouvre une période de stabilité favorisée par la remontée des cours de l’argent et par l’exploitation de l’étain, qui devient la principale source de richesse bolivienne. La population ne s’enrichit pas pour autant : les ruraux restent soumis à un servage partiel et les autochtones, soumis à de rudes conditions de travail dans les mines, sont privés du droit de vote et du statut de citoyen. En 1892, l’armée bolivienne vient à bout de la rébellion déclenchée, dans l’est du pays, par le leader messianique du peuple Guarani des Chiriguanos contre les fermiers Créoles et les missionnaires.
Les relations avec les pays voisins restent par ailleurs mauvaises. Entre 1899 et 1903, le Brésil mène une guerre contre la Bolivie pour récupérer la région de l’Acre (au nord-est), riche en hévéas et en or ; après une brève indépendance, le territoire est acheté en 1903 par le gouvernement de Rio de Janeiro et incorporé au Brésil. De 1932 à 1935, la Bolivie affronte le Paraguay pour le contrôle de la région du Chaco boréal, une steppe quasiment inhabitée et inexplorée que les deux pays se partagent plus ou moins pacifiquement depuis les années 1880. Poussé par des considérations de politique intérieure, La Paz se sent légitime à agir puisque, à la suite de la guerre de la Triple Alliance entre 1864 à 1870, l’Argentine (alliée au Brésil et à l’Uruguay) a battu le Paraguay et s’est emparée des Chaco central et méridional. La Bolivie considère donc que la partie septentrionale du Gran Chaco relève de sa zone d’influence et qu’elle constituera un moyen de retrouver un accès à l’océan, en l’occurrence Atlantique, via le fleuve Paraguay.
Mais l’affaire tourne au fiasco pour les Boliviens qui, malgré leur supériorité numérique, subissent la majorité des pertes considérables du conflit (au moins 100 000 morts militaires et 70 000 décès chez les civils) et ne gardent qu’une petite portion du Chaco boreal, l’essentiel (200 000 km²) étant attribué au Paraguay.

À la suite de ce conflit, le sentiment nationaliste se renforce dans le pays et, à partir de 1937, le gouvernement commence à nationaliser certaines ressources, à commencer par les hydrocarbures.
En 1951, après des décennies de régimes plus ou moins autoritaires, le Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) remporte les élections, mais l’armée lui interdit d’accéder au pouvoir. Les mineurs entreprennent alors une marche sur La Paz, doublée d’une révolte des paysans dans les campagnes. Malgré la répression (qui fait 600 morts), le MNR obtient de nouvelles élections, qu’il gagne à nouveau. Lié aux syndicats ouvriers et paysans, il accède alors au gouvernement et prend une série de mesures sociales : instauration du suffrage universel, redistribution des terres, abolition du servage paysan et nationalisation des plus grandes compagnies minières du pays.
Mais le Président Estenssoro est renversé en 1964 par une junte militaire, alors qu’il débutait son troisième mandat. Deux ans plus tard, sous la dictature du général Barrientos, un foyer d’insurrection communiste est aménagé dans une région isolée de jungle et de montagne, au sud-ouest de Santa Cruz. Baptisé Armée de libération nationale (ELN), le groupe est commandé par Che Guevara, l’ancien second de Fidel Castro, plus ou moins chargé d’exporter la révolution cubaine. Mais l’initiative ne rencontre ni l’adhésion des paysans locaux, ni celles des péronistes argentins ou du PC bolivien (plus aligné sur l’URSS que sur Cuba). Elle se termine par un cuisant échec : aidées par la CIA américaine, les forces boliviennes capturent le « Che » en octobre 1967 et l’exécutent sans autre forme de procès.
En 1970, un nouveau putsch favorisé par la dictature militaire argentine et par l’ambassade des États-Unis est mis en échec par la Centrale ouvrière bolivienne (COB), des mouvements étudiants et des unités de l’armée conduites par le général Juan José Torres. Instaurant une politique de type collectiviste, le nouveau régime rencontre l’opposition des Américains, du régime militaire brésilien et des institutions internationales de financement, mais aussi d’une partie de la population bolivienne : les classes aisées, une partie du commandement militaire, l’aile droite du MNR… Il est finalement renversé et Torres contraint de s’exiler en 1971, après plusieurs jours de combats entre la faction putschiste de l’armée et les milices ouvrières et paysannes qui tentaient de faire échec au coup d’État. De 1971 à 1978, le général Hugo Banzer dirige une dictature qui privatise à nouveau les hydrocarbures, participe (avec d’autres régimes militaires) à l’Opération Condor contre les opposants de gauche de la région et mène sa propre politique de répression, confiée à Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo de Lyon : plusieurs centaines de personnes sont assassinées, plus de quatorze mille incarcérées pour raisons politiques et des dizaines de milliers contraintes de s’exiler. En 1975, Banzer enregistre un succès diplomatique : l’accord de Charaña, signé avec le dictateur chilien Pinochet, prévoit que le Chili échangerait une petite bande de son territoire à la frontière péruvienne, pour redonner à la Bolivie un accès à l’océan. Mais le dispositif ayant été rejeté par le Pérou, il est abandonné et les relations chilo-boliviennes sont de nouveau rompues en 1978.
Après le renversement de Banzer, en 1978, la Bolivie connait trois scrutins présidentiels annulés et six présidents, dont quatre sont des généraux. En 1980, le candidat du Mouvement nationaliste révolutionnaire de gauche (MNRI, scission du MNR survenue en 1969) sort vainqueur d’un nouveau scrutin, mais il est victime du coup d’État du général Luis García Meza. Plus d’un millier d’opposants sont tués en moins d’un an. Cousin de l’un des plus importants narco-trafiquant du pays, le nouveau chef d’Etat favorise la production de cocaïne, ce qui conduit les États-Unis à rompre leurs relations avec la Bolivie. Sous la contrainte, les militaires soutiennent alors un processus démocratique qui, après vingt-deux ans de dictatures quasiment ininterrompues, porte au pouvoir Hernán Siles Zuazo, le battu de 1980.
Les années suivantes voient se succéder des gouvernements de coalition, dont les principaux protagonistes sont le MNR de Paz Estenssoro (qui devient Président une quatrième fois en 1985), le MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire, sociaux-démocrates issus du MNR) et l’ADN (Action démocratique nationaliste) de Banzer (qui est réélu en 1997). Tous sont confrontés à une grave crise économique qui les conduit à multiplier les privatisations (de l’industrie minière, des télécommunications et même des hydrocarbures). Les destructions d’emplois et les hausses de prix qui en résultent entrainent de nombreuses protestations sociales, en particulier à La Paz et dans la région du Chapare, dans le département de Cochabamba (au centre du pays). L’agitation connait un pic en 2003, avec un soulèvement de mineurs et de paysans dont la répression faite une soixantaine de morts. Le président Sánchez de Lozada (MNR) s’enfuit et laisse la place à son vice-Président, dont la démission est réclamée dans la rue par les manifestants : ceux-ci sont dirigés par le Mouvement vers le socialisme (MAS) d’Evo Morales, un syndicaliste paysan producteur de coca (cocalero).
Issu d’une famille Aymara, Morales devient Président en décembre 2005, avec 25 % d’avance sur son principal concurrent (une différence jamais vue depuis 1982). Sans surprise, il renationalise les hydrocarbures, au grand dam des élites des deux principales régions productrices (Santa Cruz et Tarija) qui, avec deux autres départements agricoles d’Amazonie (Beni et Pando), organisent des référendums autonomistes en 2008. Leurs résultats étant rejetés par le pouvoir central, des affrontements meurtriers opposent partisans et adversaires du Président, ce qui amène le chef de l’armée à sortir de sa réserve et à menacer les groupes « radicaux et violents qui mènent à l’affrontement entre Boliviens », mais aussi le chef d’État vénézuélien Chavez, qui se déclarait prêt à intervenir militairement en Bolivie si Morales était renversé. En 2009, Morales reprend la main et fait approuver, par référendum, une nouvelle Constitution (la dix-septième du pays), qui illustre la division du pays, puisque le « non » l’emporte dans les départements gouvernés par l’opposition. Entre autres dispositions, le nouveau texte légalise la culture ancestrale de la coca, institue trente-sept langues officielles et reconnait le droit à l’autodétermination des peuples autochtones au sein de territoires indigènes paysans. Une réforme agraire est également approuvée. A la fin de l’année 2009, Morales est réélu avec plus de 64 % des voix et le MAS obtient la majorité absolue dans les deux Chambres.
Malgré une popularité persistante, il doit renoncer, en 2011, à supprimer certaines subventions, la COB et des organisations citoyennes ayant manifesté en masse contre ce projet. Morales subit aussi de plein fouet les conséquences de sa politique d’autonomisation des peuples Indiens. La Confédération des peuples indigènes de Bolivie (Indiens des basses terres et d’Amazonie), ainsi que le Conseil national des Aylus et Markas du Qullasuyu (Quechuas et Aymaras des Andes) s’opposent en effet à son projet de désenclaver le Beni en construisant une route le reliant au Chapare : outre qu’ils n’ont pas été consultés, contrairement à ce que prévoit la Constitution, les autochtones redoutent que leurs terres ne soient confisquées par les paysans de la région de Cochabamba.
En 2013, la Bolivie rouvre le contentieux des 400 km de côtes perdues à l’issue de la guerre du Pacifique (traité de 1904) et annonce son intention de poursuivre le Chili devant la CIJ[1]. La région revendiquée, l’Antofagasta, compte notamment l’arrivée de trois gazoducs ravitaillant la Bolivie. Ce regain de nationalisme, ajouté à une nette amélioration de la situation économique et à une stabilité politique rare dans le pays (160 coups d’État depuis l’indépendance de 1825) permettent à Morales d’effectuer le troisième mandat (et en principe dernier) que lui octroie la nouvelle Constitution : il est réélu en 2014 avec plus de 61 % des voix dès le premier tour.
[1] En 2018, la CIJ juge que le Chili n’a aucune obligation d’ouvrir des discussions avec la Bolivie au sujet de la guerre du Pacifique. Quatre ans plus tard la Cour débute l’examen d’un autre contentieux soulevé par la Bolivie : celui des eaux du Silala, qui prend sa source dans le sud désertique de la Bolivie, mais dont les eaux sont utilisées par le Chili depuis le début du XXe siècle, car le fleuve s’écoule naturellement vers l’ouest. La Paz réclame le paiement de tous les arriérés de consommation !
Mais la situation de Morales se dégrade les années suivantes. En 2016, il profite de sa large majorité au Parlement pour convoquer un nouveau référendum destiné à lui permettre d’effectuer un mandat supplémentaire. Non seulement la campagne référendaire est endeuillée par des morts à El Alto (la jumelle populaire de La Paz), mais le scrutin se termine par une victoire du « non » (avec un peu plus de 51 % des suffrages). La même année, le vice-ministre de l’Intérieur est battu à mort par des mineurs bloquant une route, dans un village de l’Altiplano, à l’ouest de La Paz. Les protestataires réclament une réforme du droit du travail, voire la possibilité de vendre leurs concessions à des sociétés privées et étrangères, ce qu’interdit la Constitution. Nationalisée en 1952, l’exploitation des mines a été découpée en trois secteurs dans les années 1990 : un secteur privé (national ou étranger), une entreprise publique (Comibol) et des « coopératives » exploitant des veines résiduelles, au mépris des normes environnementales et sociales les plus élémentaires (leurs 100 000 travailleurs, longtemps soutiens du pouvoir, y sont largement exploités par leurs patrons qui leur interdisent, notamment, de former des syndicats).
En 2017, c’est l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi de réglementation de la coca qui provoque de vives tensions entre les cultivateurs « historiques » des Yungas (près de La Paz) et ceux, plus récents, du Chapare (région dont Morales est le porte-drapeau). Actifs avant même la colonisation hispanique, les premiers s’insurgent contre l’augmentation des surfaces accordées aux seconds et à la quasi-absence de contrôle à leur égard (en moyenne, 40 % de la production bolivienne irait au marché illégal, en particulier celle du Chapare). Jusqu’alors producteur de feuilles de coca à usage personnel ou médicinal, le pays est devenu un producteur majeur de cocaïne, en particulier les zones amazoniennes et la région du Chapare (où la coca est même cultivée dans des parcs naturels protégés comme le Tipnis). La drogue est évacuée par « l’autoroute fluviale » Parana Paraguay, en direction de Guayaquil en Équateur ou de Santos au Brésil, le trafic étant de plus contrôlé par les principaux groupes criminels brésiliens.
Passant outre le résultat négatif de 2016, Morales se représente aux élections de 2019 et, après de longues tergiversations, il est déclaré vainqueur dès le premier tour avec 47 % des voix et à peine plus que les 10 % d’avance sur son premier adversaire exigés par la loi électorale. Au Parlement, le MAS présidentiel perd sa majorité des deux-tiers et se retrouve au coude-à-coude avec l’opposition. Dénonçant des fraudes, l’opposition instaure une grève générale qui prend de l’ampleur à Potosi et à Santa Cruz, tandis que des incidents violents entre opposants et partisans du pouvoir ont lieu à La Paz, Cochabamba et Santa Cruz. La crise illustre de nouveau la partition du pays entre les citadins, blancs et métissés, globalement favorables à l’opposition et les ruraux et urbains périphériques, plutôt partisans du chef de l’Etat. Toutefois, des divisions entre pro et anti-Morales sont apparues au sein des organisations représentatives de ces milieux sociaux (Indiens, mineurs, cocaleros…). Pour sortir de la crise, le gouvernement confie un audit des résultats à l’OEA… audit qui, compte-tenu des , préconise la tenue d’un nouveau scrutin. Confronté à un audit qui fait apparaître des malfaçons dans le dépouillement numérique des résultats et à une opposition qui ne faiblit pas – et entraîne même des mutineries des policiers dans plusieurs grandes villes – Morales démissionne (de même que les différents élus pouvant lui succéder dans l’ordre constitutionnel), à « l’invitation » de la haute hiérarchie militaire, et s’exile. Parfois armés ou dotés d’explosifs, ses partisans se mobilisent, en particulier dans son fief de Cochabamba et à El Alto, et déclenchent des heurts qui font une trentaine de morts. En l’absence des élus du MAS, la deuxième vice-Présidente du Sénat Jeanine Aňez Chávez est élue Présidente par intérim, en charge de convoquer de nouvelles élections.
Un accord ayant été trouvé avec le MAS pour organiser de nouvelles élections sans Morales, un scrutin présidentiel est organisé en octobre 2020. Il est remporté dès le premier tour par un ancien ministre de l’Économie de Morales, avec plus de 52 % des voix. Luis Arce a profité des divisions de la droite, d’une gestion calamiteuse par la Présidente intérimaire de la pandémie de coronavirus (un des plus forts taux de mortalité au monde par habitant) et de la chasse aux sorcières menée par le gouvernement contre Morales et ses soutiens. Le scrutin témoigne une nouvelle fois des divisions du pays : le régionaliste Camacho a obtenu 45 % des suffrages dans sa province de Santa Cruz et le conservateur Mesa gagné les trois provinces orientales. Dans la foulée, le MAS perd toutes les grandes villes (sauf Sucre) lors des municipales, battu par la droite et le centre à La Paz, et même dans ses fiefs d’El Alto et Cochabamba.
Dans la province de Santa-Cruz, de violentes manifestations éclatent fin 2022. La population exige que le recensement prévu en mars 2024 soit avancé, car elle estime que celui réalisé dix ans plus tôt la désavantage dans l’octroi des subventions publiques et la représentation au Parlement. Un accord est trouvé pour que les résultats du recensement de mars 2024 soient bien pris en compte aux élections générales de 2025. Fin 2023, les tensions s’exacerbent aussi au sein du MAS entre les partisans de Morales et ceux d’Arce, un ancien haut fonctionnaire issu des classes moyennes urbaines, donc éloigné des bases traditionnelles du parti. Les députés partisans de l’ancien chef d’État en arrivent à voter avec la droite contre le Président en exercice, qui est exclu du MAS.
En décembre 2023, la Cour constitutionnelle interdit à Morales de se présenter aux présidentielles de 2025, en jugeant qu’un Président ne peut exercer plus de deux mandats, même non consécutifs. L’ancien chef d’État est par ailleurs poursuivi pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure. En juin 2024, le chef d’État-major de l’armée est arrêté, après un déploiement de blindés devant le Palais présidentiel : quelques jours plus tôt, il avait affirmé que, en cas de candidature de Morales, les forces armées défendraient « la Constitution à tout prix ». Mais cette affaire de coup d’État présumé est en partie perçue comme une tentative d’Arce pour regagner une popularité en chute libre. Tentative vaine puisque, en mai 2025, le Président annonce qu’il ne se représentera pas. Le mois suivant, des poursuites sont engagées contre Morales, qui vit retranché dans son fief sous la protection de ses partisans : l’ancien chef d’État est accusé d’avoir appelé au blocage des routes menant à La Paz, blocage effectif dans le département de Cochabamba.
Photo : La Paz, plus haute capitale du monde (à plus de 3600 mètres)