SOMMAIRE
- Olmèques et Mayas, les premières civilisations
- Ascension et chute de Teotihucan
- L’empire Aztèque
- La conquête espagnole
- Les indépendances
Mayas, les premières civilisations
Le premier Mexicain identifié est une paléo-Indienne, la femme de Naharon, dont le squelette est daté d’environ 13600 AEC. Entre -5200 et -3400, de premières communautés de chasseurs-cueilleurs se sédentarisent au centre du Mexique. Les premiers villages apparaissent, liés essentiellement à la culture du maïs, dont la domestication a eu lieu aux alentours du Ve millénaire AEC.
Vers 2400 AEC apparaît la civilisation des Olmèques, nom donné à un ensemble sans doute pluriethnique et multi-linguistique dont l’origine est incertaine. Son nom, « peuple du pays du caoutchouc », lui a été donné par les Mayas. Les sites Olmèques les plus anciens ont été découverts près d’Acapulco, sur le Pacifique, et à La Venta, sur le golfe du Mexique, dans les États actuels de Tabasco et Veracruz. Leurs sites successifs majeurs se situent de ce côté-là, à San Lorenzo, La Venta (célèbre pour ses têtes géantes de pierre sculptée) et Tres Zapotes. Vouant un culte au dieu-jaguar et pratiquant un calendrier de deux cent soixante jours, la culture Olmèque se diffuse à partir de -1200 vers l’Anahuac, l’actuel plateau des environs de Mexico (avec le village de Tlatilco sur les bords du lac Texcoco) et même jusqu’au Costa-Rica. Contemporain des grandes cités olmèques des basses terres, le premier grand centre civil et religieux des hautes terres est Cuicuilco, situé sur la rive sud du lac Texcoco dans la vallée de Mexico ; célèbre pour sa pyramide de forme circulaire, la ville aurait été édifiée à partir de -800.
En parallèle, à partir de -2000, s’est développée la culture des Mayas, « ceux qui cultivent le maïs », depuis le golfe du Mexique jusqu’aux rivages du Pacifique, via les forêts d’altitude du Petén, au nord du Guatemala. Vers -1600, le proto-Maya éclate en cinq langues distinctes, écrites en hiéroglyphes, dont le yucatèque et le huaxtèque sur la côte Atlantique, ainsi que le quiché au Guatemala. Dans cette zone, ainsi qu’au Chiapas, se répandent par ailleurs des descendants des Olmèques, les Mixe-Zoque, vers -1500, puis les Zapotèques, vers -750. Ces derniers sont de langue otomangue, comme les Mixtèques qui se sont établis sur le rio Panuco, le plus long fleuve du Mexique s’écoulant de la vallée de Mexico jusqu’au golfe du Mexique. Au nord-est, dans le nord de l’Etat de Veracruz, règnent des principautés Totonaques.
Vers -600 débute le déclin des Olmèques, qui va favoriser l’expansion des Mixe-Zoque vers la côte Atlantique deux siècles plus tard. C’est également vers -600 que, à l’inverse, les Mayas érigent leurs premiers temples-pyramides : celui d’El Mirador, dans le Petén, est plus volumineux que la pyramide égyptienne de Gizeh. Au centre-ouest, la culture non Olmèque de Chupicuaro s’épanouit dans les États actuels de Guanajuato et du Michoacan.
Vers -300, les Olmèques donnent leurs derniers feux, en débutant la construction de la Grande Pyramide de Cholula, une ville fondée par les Epatlan dans la vallée de Tlaxcala, au pied du volcan Popocatepetl. Elle sera complétée et utilisée par les Toltèques et les Aztèques comme lieu de rituel religieux et de sacrifice humain. C’est la plus grande pyramide faite par l’homme en termes de volume déplacé (4,45 millions de m3). Dans le même temps, des cités-Etats Mayas se développent dans les « basses terres du sud« , les plaines forestières du Petén : elles sont une vingtaine, regroupées en deux ligues rivales conduites par Tikal et Calakmul. La cité de Palenque, dans le Chiapas, voit le jour un peu plus tard, vers -100.

Ascension et chute de Teotihucan
Sur le haut plateau du Mexique, les Totonaques (ou peut-être les Otomis) fondent, vers -200, la ville de Teotihuacan (« la plaine du précieux sacrifice »), au nord du lac Texcoco. Son expansion va être favorisée par le déclin de Cuicuilco, ensevelie sous la lave du volcan voisin. Vénérant Tlaloc comme dieu principal, Teotihuacan va ériger de grandes constructions, telles que la pyramide du Soleil édifiée vers 150-200 EC. Au 1er siècle EC, les Totonaques bâtissent une autre cité, El Tajin, au nord de l’État de Veracruz, tandis que les Mayas poursuivent leur expansion : à partir de 100, ils sont à Copán, dans l’ouest du Honduras. La cité-Etat Maya qui devient la plus puissante, à partir de 200, est celle de Tikal. A son apogée, la civilisation Maya classique couvre près de 325 000 km², du Yucatan au Chiapas, avec le Guatemala et le Belize, l’ouest du Honduras et le Salvador. Au sud-ouest, dans les vallées de l’Oaxaca, les Zapotèques donnent son lustre à la cité de Monte Alban, fondée vers -500 par les Olmèques : ils y construisent notamment de grands bâtiments en terrasse. Plus au nord, vivent des Mayas Huaxtèques et des Totonaques.
Entre 200 et 650, Tikal entre en concurrence avec Teotihuacan qui étend son influence aux hautes terres du Guatemala et à l’Oaxaca, au détriment de Monte Alban. Son territoire compte 200 000 habitants, de toutes origines ethniques : Zapotèques, Mixtèques, Mixes, Huaxtèques, Chatinos et Mayas. En 378, Teotihuacan s’empare de Tikal, ouvrant deux siècles de guerres contre les cités Mayas de Copán et Palenque au Chiapas ou Uxmal dans le Yucatan. C’est dans cette région que les Mayas fondent, vers 400, la ville de Chichén Itza, qu’ils abandonneront un siècle plus tard.
Au VIe siècle, les hauts plateaux voient arriver des peuples nomades, originaires des régions alors en voie de désertification du nord du Mexique et du Sud-Ouest des États-Unis. Parmi eux figurent les Toltèques, ainsi que les Tenochca, qui seront ultérieurement appelés Mexicas ou Aztèques, en référence à la terre légendaire dont ils sont censés provenir : Āztlán (la « Terre des hérons »). Adorateurs du « sorcier colibri » Huitzilopochtli, les Technoca ont migré avec d’autres tribus semi-nomades appartenant, comme eux et les Toltèques, au groupe linguistique uto-aztèque qui comprend les langues nahuas en Mésoamérique et les langues utes de l’ouest américain. Les peuples ne s’étant pas sédentarisés – à l’inverse des Aztèques et des Toltèques – seront désignés rétrospectivement du terme générique de Chichimèques (« lignée du chien »), au sens de « sauvage », voire de « barbares ». Les plus connus sont les Otomis.
Vers 650, leurs attaques amorcent le déclin de Teotihuacan. La ville est abandonnée un siècle plus tard, à la suite d’un incendie. Sa disparition favorise la multiplication de cités-Etats, ainsi que l’ascension de Cholula et la prospérité d’El Tajin, tandis que des Chichimèques et des « Nonoalca » (« parlant mal le nahuatl ») se répandent dans la « vallée de Mexico ».
Aux alentours des VIe et VIIe siècles, les Pipils (proches des Toltèques) migrent depuis le centre du Mexique vers le sud, à travers l’isthme de Tehuantepec, puis longent la plaine côtière du Pacifique jusqu’au Guatemala et au Salvador. D’autres continuent encore plus au sud, jusqu’au Nicaragua et au Costa Rica, où ils vont être connus sous le nom de Nicaraos. Un itinéraire similaire est suivi par un peuple fuyant la domination des Nahuas : les Chiapanèques, sans doute locuteurs d’une langue de la famille otomangue, quittent le Mexique central pour le Chiapas (auquel ils vont laisser leur nom) et même pour le Nicaragua et le nord du Costa-Rica (où ils seront désignés sous le nom de Chorotègues ou Mangues).
Dans le Petén, Tikal connait son apogée vers 750. Mais cinquante ans plus tard, les cités mayas du Petén amorcent leur déclin, pour des raisons inconnues : surexploitation forestière, épuisement du sol avec la culture sur brûlis, épidémies, révoltes paysannes ? Elles sont abandonnées vers 900, les Mayas se redéployant vers le Yucatan et les hauteurs du Guatemala.
A partir de 850, les Toltèques se défont des tribus Nahua qui étaient déjà installées dans les actuels États de Morelos et de Guerrero. Dirigés par un roi-prêtre, qui incarne le dieu Quetzalcóatl (le Serpent à plumes), ils établissent leur capitale à Tula (sur le rio Panuco), au nord de Teotihuacan. De là, ils progressent vers le Guatemala et le Yucatan et absorbent progressivement la civilisation Maya classique. Il en découle une civilisation mixte Maya-Toltèque dans le Yucatan qui favorise la renaissance de Chichén-Itzá, vers 889, au détriment de Tikal. Une seconde dynastie toltèque y prend le pouvoir à la fin du Xe siècle, la première restant maîtresse de Tula. A partir des années 1000, la domination politique sur les cités-États du Yucatan est exercée par la Ligue de Mayapán, formée par la ville homonyme, Uxmal et Chichén-Itzá.
Dans l’Oaxaca, les Mixtèques supplantent les Zapotèques et saccagent Monte Alban, en 940. Évincés, les Zapotèques se dotent d’un nouveau centre, Mitla. Au Nord-Est subsistent les Huaxtèques, tandis que le Michoacán (au centre ouest) est le domaine des Purépechas, que les Espagnols appelleront Tarasques.
Au début du XIe, la théocratie Toltèque est renversée par une caste militaire, qui finit par succomber aux guerres incessantes avec ses voisins. En 1098, Tula est saccagée par un ensemble de tribus Chichimèques. Les Toltèques sont contraints de se soumettre aux Aztèques, tandis que d’autres peuples de langue nahua s’installent dans la vallée lacustre de la future Mexico, comme les Tépanèques et les Acolhuas. Ils fondent plusieurs cités-Etats, telles que Colhuacán et Texcoco. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, les Aztèques essaient d’étendre leur influence dans la « vallée de Mexico » mais ils sont vaincus et beaucoup doivent s’exiler dans la lande stérile de Tizapan, au centre-ouest.
En 1194, la ligue de Mayapán se disloque, à la suite de guerres intestines. La population de Chichén-Itzá, vaincue, est réduite en esclavage par Mayapán, qui domine tout le Yucatan et expulse les Toltèques en 1221. Sur le plateau guatémaltèque, un nouvel État Maya émerge au XIIIe siècle : celui des Quichue et de leurs alliés Cakchiquel. Ils sont les auteurs du Popol Vüh, le guide de la religion des Mayas. Ceux-ci sont en effet le seul peuple méso-américain dont les langues soient écrites (sous la forme de manuscrits qui seront appelés codex).
Dans l’Oaxaca, au cours du XIIIe siècle, les Mixtèques prennent Mitla aux Zapotèques et commencent un processus expansionniste qui les conduit à occuper les vallées centrales où vivaient les vaincus.

L’empire Aztèque
En 1325 (ou 1370), les Aztèques s’installent sur une île du lac Texcoco, peut-être déjà occupée par des Otomis. Ayant vu un aigle dévorer un serpent sur un cactus, ils y voient le signe (annoncé) qu’ils doivent cesser de nomadiser et choisissent de s’établir au milieu des roseaux. Ils donnent à leur cité le nom de Tenochtitlan (renvoyant, probablement, au nom du figuier de barbarie en langue nahua). Lorsque les Espagnols s’empareront de la ville, elle porte aussi le nom accolé de Mexico, qui pourrait signifier « la ville au milieu (du lac) de la lune ». Tenochtitlan est sous la tutelle des Tépanèques qui sont alors en pleine expansion ; sous le règne de Tezozomochtli, ils vassalisent Colhuacán, jusqu’alors dominante, et établissent leur pouvoir à Azcapotzalco. Au nord de Tenochtitlan, dans la vallée de Puebla, d’autres populations Nahua fondent, au XIVe siècle, la Confédération du Tlaxcala, ce qui leur vaut le nom de Tlaxcalèques.
En 1428, Tenochtitlan et les cités lacustres alliées de Texcoco et de Tlacopān battent leur suzerain Tépanèque, qui s’était engagé dans une politique répressive vis-à-vis des Aztèques. En Triple alliance (dénommée le « tribunal des trois sièges »), elles conquièrent toute la vallée de Mexico et, à partir de 1440, s’étendent au Nord-Est contre les Huaxtèques et au centre contre les Otomis, les Mixtèques et leurs alliés Chochos. En 1471, elles soumettent les Totonaques. Sous le règne de Moctezuma 1er et de ses successeurs, nommés sans ligne dynastique, « l’Empire aztèque (ou Mexica) » s’étend sur la majeure partie du Mexique central, entre la côte pacifique et la côte du Golfe du Mexique. Les territoires soumis au paiement d’un tribut régulier au huey tlatoani, le souverain aztèque, s’étendent sur 250 000 km² et comptent dix millions d’habitants, dont un demi-million dans leur capitale. Cultivateurs de maïs, haricots, melon, vanille, tomates, coton et tabac, les Aztèques cultivent aussi du cacao dont ils font une bouillie nommée chocolatl. Adorateurs du Soleil, les Aztèques se livrent à des guerres incessantes contre les peuples voisins (tels que les Tépanèques et les Chalcas) et à des razzias de prisonniers qu’ils sacrifient à leurs dieux. Seuls résistent quelques États indépendants, des Tlaxcaltèques, des Tarasques au Michoacan, des Chichimèques au Nord-Est, des Mixtèques au sud et à Monte Alban.
En 1441, Chichén-Itzá se révolte contre Mayapán. La désorganisation politique qui en résulte entraîne une migration de Mayas vers le Guatemala, où les Cakchiquel fondent leur propre État dans les années 1470, ce qui déclenche des guerres avec les Quichué sur le plateau guatémaltèque. Entre 1500 et 1515, ces deux peuples doivent faire face à une offensive des Aztèques qui s’attaquent également à une Triple Alliance concurrente, associant Tlaxcala et Cholula.
La conquête espagnole
C’est peu après, en 1519, que Hernán Cortés débarque sur le littoral du golfe du Mexique à la tête d’une expédition espagnole venue de Cuba. Après avoir fondé l’actuelle Veracruz, il se dirige aussitôt vers le haut plateau. Ayant sollicité une rencontre avec Moctezuma II, il le garde en otage, ce qui entraîne une révolte Aztèque rapidement matée. En 1521, les Espagnols prennent et détruisent Tenochtitlan, aidés par plusieurs des peuples razziés par les Aztèques : les Totonaques, les Tlaxcaltèques et Texcoco, qui fournissent 100 000 hommes. C’est la fin de l’Empire Aztèque (le dernier des souverains est pendu vers 1523), ainsi que des États Quichue, Cakchiquel (1524-1525) et Tarasque en 1530, sans combat. A posteriori, les Aztèques justifieront leur capitulation en affirmant qu’ils ont vu en Cortés sur son cheval une réincarnation de Quetzalcoatl. Avec leurs vassaux (« Empire » Tarasque, « République » de Tlaxcala et une douzaine de principautés), les Espagnols règnent sur environ un million de km², qu’ils dotent d’une nouvelle capitale, Mexico, érigée sur les ruines de Tenochtitlan. Leur vice-royauté de Nouvelle-Espagne a autorité sur la capitainerie générale du Guatemala, qui couvre tout l’isthme centraméricain, du Chiapas jusqu’au Costa-Rica (le Panama relevant de la Colombie). La colonisation, par exemple du Costa-Rica, est parfois retardée par des éléments tels que la prolifération de moustiques, la chaleur, la résistance des populations locales et les raids de pirates.
L’évangélisation des populations commence dès 1523, accompagnée d’une exploitation intensive des indigènes, qui ne sont défendus que par quelques rares religieux comme le dominicain Bartolomé de Las Casas (cf. La controverse de Valladolid). Pour pouvoir exploiter des ressources minières, un impôt colonial (l’encomienda) est instauré, en Amérique centrale comme dans les Antilles : il prévoit que chaque autochtone devra verser régulièrement une certaine quantité d’or ou de coton à des colons collecteurs, les encomenderos ; l’impôt leur est remis par les chefs de tribus (les caciques). Selon les besoins, les Indiens sont déplacés de force d’un lieu de travail à un autre. Les seuls à opposer une forte résistance aux Espagnols sont les Chichimèques au Nord. Rebellés au début des années 1540 (guerre de Mixton menée par le peuple des Caxcanes dans l’État de Jalisco), ils sont soumis au terme des guerres Chichimèques (1550-1590). Dès la fin du XVIe, les Espagnols colonisent les steppes à l’est de la Sierra Madre, où ils fondent la ville de Monterrey. Au cours des décennies suivantes, la Nouvelle-Espagne s’étend au Nouveau-Mexique et à la Basse-Californie, puis au Texas et à la Haute-Californie dans le courant du XVIIIe siècle (cf. Amérique du nord). Quant au dernier État Maya – le royaume de Tayasal, dans la jungle de Petén – il disparaît en 1697. Les rares à échapper encore au contrôle espagnol sont les Mayas Lacandons, qui vivent dans de petites communautés fermières au cœur de la jungle du Chiapas et du département de Petén, ainsi que les Arahumara (ou Raramuri), des Uto-Aztèques habitant les montagnes septentrionales du Chihuahua. Quelques peuples Chichimèques résistent aussi, tels les Guachichiles qui se révoltent en 1624 au Nuevo León.
Entre la période précédant l’arrivée des Espagnols et 1650, la population amérindienne va chuter de 80 %, principalement à cause des épidémies : celle du Mexique central passe de vingt-cinq à un million d’individus. Démographiquement, les Espagnols nés en métropole, les peninsulares (ou gachupines), ne sont que quelques dizaines de milliers, mais détiennent l’essentiel du pouvoir politique et économique, au détriment des indigènes (3,6 millions) des métis et mulâtres (1,3 million) et même des créoles, descendants d’Espagnols et d’Européens nés hors d’Espagne (1 million).
La découverte et l’exploitation de mines d’argent parmi les plus riches du monde vont contribuer à l’enrichissement de l’Espagne, qui implante aussi la culture de la canne à sucre et du café. A partir du milieu du XVIIe siècle, les Espagnols sont concurrencés ponctuellement par les Anglais. C’est le cas sur l’île de Roatan, au large du Honduras, qui devient une base britannique pour la flibuste et le trafic de bois tropicaux. Dans les années 1660, la même activité préside à la fondation, par des soldats et marins démobilisés après la conquête de la Jamaïque, d’un établissement à l’embouchure du fleuve Belize, future colonie du Honduras britannique. Dans le courant du XVIIe siècle, d’autres Anglais prennent pied sur le littoral atlantique du Honduras et du Nicaragua. L’Espagne finit par leur concéder ces terres, à condition qu’ils cessent leurs actes de piraterie contre ses bateaux. Entre les années 1630 et 1780, Londres contrôle ainsi, par intermittence, la côte des Miskitos (Mosquitos), des Indiens foncièrement hostiles aux Espagnols et qui ont participé à l’esclavage d’autres Indiens. Les Anglais y implantent des esclaves Noirs affranchis qui se mélangent aux autochtones. L’isthme de Panama reste par ailleurs fragile : en 1670-1671, le flibustier Morgan y débarque, depuis sa Jamaïque, avec des centaines d’hommes et détruit la ville de Panama (fondée en 1519), en massacrant la majorité de ses habitants.
Les indépendances
Les guerres déclenchées par la France en Europe, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, vont avoir un impact majeur sur la puissance impériale espagnole. Alliée plus ou moins forcée des Français, qui l’occupent (cf. Pays ibériques), l’Espagne perd la plus grande partie de sa flotte lors de la bataille de Trafalgar contre les Britanniques. Le cordon reliant les colonies à leur métropole s’en trouve considérablement affaibli. Au Mexique, la première révolte d’ampleur est conduite, en 1810, par un prêtre créole, Miguel Hidalgo. Se plaçant sous la protection de la Vierge de Guadalupe et réclamant la restitution des terres indiennes (et la fin du tribut versé aux propriétaires blancs), elle rassemble des paysans indiens et métis frappés par la sécheresse et réunit jusqu’à 80 000 hommes. Mais elle échoue à s’emparer de Mexico, défendue par les créoles conservateurs de la ville, et subit une lourde défaite à Guadalajara en 1811. Le flambeau est repris par un autre prêtre, métis celui-ci, José Maria Morelos, dont les troupes s’emparent d’Oaxaca et Acapulco, avant d’être défaites en 1815. L’insurrection se poursuivant dans le Sud, le vice-roi du Mexique charge un colonel réputé d’en venir à bout. Mais au lieu de combattre les insurgés, Agustin de Iturbide s’entend avec leur chef Vicente Guerrero pour élaborer le plan d’Iguala : rendu public en 1821, il prévoit la formation d’un Empire du Mexique indépendant, mais dirigé par la famille royale, avec le catholicisme comme religion d’État et une égalité complète entre tous les citoyens.
Malgré l’opposition de Madrid, l’indépendance du Mexique est proclamée en 1822 avec Iturbide comme empereur sous le nom d’Augustin 1er. Mais il est déposé dès l’année suivante, victime d’un putsch fomenté par le colonel Santa Anna. Une nouvelle Constitution est promulguée et une république représentative populaire fédérale du Mexique instaurée en 1824. Les libéraux ayant pris le dessus sur les conservateurs, ils portent Guerrero au pouvoir : l’une de ses décisions majeures, avant d’être renversé en 1830, est d’expulser la plupart des peninsulares. La même année 1829, Madrid effectue une tentative de reconquête, en faisant débarquer des troupes à Tampico. Mais elles sont repoussées par les forces de Santa Anna qui, auréolé de ce succès, s’empare du pouvoir en 1832 et dirigera le pays à plusieurs reprises.
Plus au sud, les six provinces de la capitainerie générale du Guatemala ont d’abord rejoint le Mexique, de gré ou bien de force (comme le Salvador). Mais, après le renversement d’Iturbide, elles font sécession pour former les Provinces-Unies de l’Amérique centrale. Traversée par les dissensions entre conservateurs et libéraux, la Fédération se désagrège en 1839, après la révolte de Rafael Carrera, un chef de bande guatémaltèque zambo (métis d’autochtone et de Noir) et l’affirmation de revendications séparatistes chez les autres membres. L’éclatement des Provinces-Unies donne naissance à cinq pays indépendants (Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua et Costa-Rica)[1]. Seul le Chiapas reste mexicain, tandis que la côte des Mosquitos – qui était passée sous la coupe de l’Espagne, puis du Mexique – proclame son indépendance en 1823 et signe un traité d’alliance avec les Britanniques.
Entre 1858 et 1860, sous la pression des États-Unis, une série de traités contraint le Royaume-Uni à abandonner ses territoires au Nicaragua et au Honduras, y compris le royaume des Mosquitos qui conserve cependant une relative autonomie. Londres conserve en revanche Belize, dont le port lui permet d’exporter ses biens dans toute la région. Convoité par le Guatemala, le Honduras britannique n’accèdera à la souveraineté que beaucoup plus tard, en 1981, sous le nom de Belize.
De son côté, le Panama devient indépendant en 1903 : soutenu par les États-Unis, il met à profit la guerre des Mille Jours déclenchée en Colombie, pour rompre sa dépendance vis-à-vis de ce pays.
[1] Une éphémère fédération unira le Honduras, le Salvador et le Nicaragua de 1842 à 1844.