26 338 km²
République autoritaire
Capitale : Kigali
Monnaie : franc rwandais
13,6 millions de Rwandais[1]
[1] Plus forte densité d’Afrique continentale.
Totalement enclavé, le « pays des mille collines » partage 930 km de frontières terrestres avec quatre pays : 315 km avec le Burundi au sud, 221 km avec la République démocratique du Congo (dont elle est en partie séparée par le lac Kivu) à l’ouest, 172 km avec l’Ouganda au nord et 222 km avec la Tanzanie à l’est.
D’une altitude moyenne frôlant les 1600 mètres, le Rwanda est majoritairement constitué de collines et de plateaux verdoyants. Son relief montagneux décline d’ouest en est, avec un point culminant à près de 4520 m (le volcan Karisimbi). Le climat est tempéré, avec deux saisons des pluies.
Regroupée en clans familiaux, la population compte trois composantes d’importance très inégale (sans compter des groupes très minoritaires) : les Bantous Hutu (84 %) et Tutsi (15 %) et les Pygmées Twa (1 %). La quasi-totalité parle le kyniarwanda (très proche du kirundi parlé au Burundi). Depuis 2010, l’anglais a remplacé le français comme seule langue de l’enseignement public.
Environ 96 % des Rwandais sont chrétiens, dont près de 60 % d’obédiences protestantes.
Au XVe siècle, l’unification de chefferies Tutsi donne naissance au royaume du Rwanda (puis à celui du Burundi, moins centralisé et moins militarisé). Il est alors composé d’une vingtaine de clans, qui rassemblent tous – dans des proportions assez constantes – des chasseurs-cueilleurs autochtones Twa, ainsi que des Tutsi (dont des clans Hima) et des Hutu. Les deux derniers sont entendus comme des groupes socio-professionnels, auxquels sont associées des fonctions politiques : dans cette configuration, le terme Tutsi désigne les éleveurs possesseurs de nombreuses vaches tandis que les cultivateurs, moins haut placés dans la hiérarchie socio-économique, sont dénommés Hutu. Partageant une langue et une culture communes, les deux catégories se marient fréquemment l’une à l’autre. Au milieu du XVIIIe, les monarques Tutsi du Rwanda agrandissent leur territoire en annexant, par la force, des chefferies Hutu et Tutsi voisines. Leur expansion se traduit par des conflits réguliers avec le Burundi. Des différences entre communautés commencent également à apparaître, sous le règne du roi tutsi Rwabugiri (1860-1895), qui accroît le poids politique de son groupe, lorsqu’il renforce les structures de son royaume.
Les premiers Européens à prendre pied dans la région sont les Allemands. Depuis Dar-es-Salam, prise au sultan de Zanzibar, ils avancent jusqu’au Rwanda en 1894, puis au Burundi deux ans plus tard. Dans les deux cas, les mwami (« roi » dans plusieurs langues bantoues) signent avec eux un traité de protectorat, ouvrant leurs pays aux églises chrétiennes. La présence allemande se termine à la fin de la Première guerre mondiale. Le relais est pris en 1919 par la Belgique, sous la forme d’un mandat de la Société des nations (SDN). Six ans plus tard, le territoire unifié du Ruanda-Urundi est rattaché au Congo belge, dont il forme la septième province.
Le royaume de Belgique l’administre en s’appuyant sur l’aristocratie tutsi, en vertu des thèses ethniques qui prédominent à l’époque. Selon la théorie dite hamitique, les premiers occupants Twa auraient vu s’installer sur leurs terres des agriculteurs bantous (Hutu) au cours du IXe siècle, puis des pasteurs nilotiques (Tutsi) originaires du nord-est de l’Afrique, au XVe siècle. Considérant que les seconds sont des lointains descendants de Cham, fils de Noé, les colonisateurs chrétiens estiment qu’ils sont parés de vertus supérieures aux premiers. Ils appliquent à chaque catégorie des stéréotypes raciaux, accentuant des différenciations sans doute déjà effectuées par l’aristocratie tutsie, avant l’arrivée de « l’homme blanc », pour empêcher au maximum les mariages mixtes : les Tutsi sont grands et minces et ont la peau plutôt claire, tandis que les Hutu sont petits et trapus et ont la peau plus foncée. Même si ces différences peuvent être largement dues au mode de vie et au statut économique, elles trouvent une traduction administrative à partir de 1931, lorsque les documents officiels commencent à préciser la catégorie « ethnique » de chaque indigène. Dans le même temps, nombre de Hutu sont évincés de l’administration et remplacés par des Tutsi.
Les Belges changent leur fusil d’épaule, quand des revendications indépendantistes commencent à naître au sein de l’élite rwandaise (très majoritairement tutsi) à la fin des années 1950. Pour contrer ces projets, Bruxelles décide alors de privilégier les Hutu et de mettre en avant la prétendue origine étrangère des Tutsi. C’est ainsi que naît le Parti de l’émancipation du peuple hutu (Paremhutu) et que des émeutes éclatent à la mort du roi, en 1959, lorsque la communauté majoritaire refuse de reconnaître le nouveau roi choisi par les clans tutsi.
En 1960, les Hutu remportent les élections. La république du Rwanda est proclamée en janvier 1961 et la monarchie abolie huit mois plus tard. Le pays accède à l’indépendance en juillet 1962, dans un climat de violences contre la minorité : des milliers de Tutsi sont tués de 1959 à 1964 et plus de 130 000 se réfugient dans les pays voisins, en particulier en Ouganda et au Burundi. La discrimination anti-tutsi s’accentue sous Juvenal Habyarimana, le chef d’État-major de l’armée qui s’empare du pouvoir en 1973 et instaure un régime à parti unique (le Mouvement révolutionnaire national pour le développement, MRND). La restauration du multipartisme, au début des années 1990, n’y change rien : des factions radicales de la communauté hutu se retrouvent associées au pouvoir.
La radicalisation du camp hutu est d’autant plus forte que, du côté tutsi, des enfants d’exilés ont formé un groupe rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), soutenu par l’Ouganda. D’origine Banyankole, une ethnie proche des Tutsi, le Président ougandais Museveni s’est en effet emparé du pouvoir grâce à la Tanzanie, mais aussi au soutien de nombreux réfugiés rwandais auxquels il veut renvoyer l’ascenseur. Parmi eux figure Paul Kagame, un Tutsi chassé par les massacres hutus dès l’âge de 4 ans, qui a dirigé les renseignements de la National Resistance Army ougandaise. Surnommé « Pilate » en raison de sa cruauté, il y a instauré une discipline de fer, liquidant les éléments qui, à la suite d’interrogatoires musclés, apparaissaient peu fiables.
Le FPR commet ses premières actions armées en 1990, ce qui entraîne de fortes réactions hutu. Elles émanent en particulier d’escadrons de la mort, le « réseau zéro », bénéficiant de complicités dans les plus hautes sphères de l’armée et de la famille présidentielle. Alors que la Belgique a retiré ses parachutistes fin 1990, après avoir évacué ses ressortissants, un rapport souligne le soutien que la France apporte au régime, en vertu d’un accord d’assistance militaire de 1975 : livraison de batteries et de munitions, soutien aérien et pilotage d’hélicoptères gouvernementaux, formation de parachutistes… En 1997, une Commission d’enquête du Sénat belge établit que Bruxelles, puis Paris, étaient au courant des projets de génocide du régime rwandais mais ont préféré croire les dénégations du Président rwandais, plutôt que les rapports de leurs propres renseignements militaires[1].
En 1993, des accords de paix sont signés à Arusha (Tanzanie) par le gouvernement et ses opposants, armés et politiques. Mais il n’auront pas le temps d’entrer en vigueur. En 1994, Habyarimana est tué à bord de son avion privé, abattu par des extrémistes dont on ignore toujours l’origine : soit des radicaux hutu hostiles à tout partage du pouvoir, soit des membres du FPR. Dans tous les cas, les meurtriers atteignent leur objectif de déclencher une guerre civile de grande ampleur, puisque la mort du Président est suivie d’un véritable bain de sang, en dépit des sauvetages de dernière minute effectués par l’armée française et l’ONU (opération Turquoise). Huit cent mille Rwandais, en très grande majorité Tutsi, sont tués en une centaine de jours par les Forces armées rwandaises (FAR) et leurs supplétifs (dont les Interahamwe, « personnes de la même génération », les milices du MRND). En raison de l’origine étrangère supposée des Tutsi, des corps sont jetés dans les rivières coulant vers l’Éthiopie et l’Afrique orientale. Le génocide prend fin la même année, avec la victoire militaire du FPR et la formation d’un gouvernement d’union nationale dominé par les rebelles.
[1] En 2021, un rapport de juristes américains conclut que « pendant de nombreuses années, l’Etat français a soutenu le régime corrompu et meurtrier du président Habyarimana ». La même année, le Président reconnait, à Kigali, « la responsabilité accablante » de la France « restée de fait aux côtés d’un régime génocidaire », sans pour autant y avoir participé.
Les représailles des vainqueurs sont terribles : 25 000 à 45 000 Hutu sont tués entre avril et août 1994, selon un rapport du Haut-Commissariat aux réfugiés qui ne sera pas publié, afin de ne pas embarrasser le nouveau gouvernement. Ce n’est que le prélude aux exactions commises par le FPR contre les camps où les « génocidaires » se sont mélangés aux centaines de milliers de réfugiés Hutu : en 1995, l’armée tutsi tire sur la foule dans le camp de Kibeho, au sud du Rwanda, y tuant 5 000 personnes sous les yeux des Casques bleus de l’ONU. L’année suivante démarre le « nettoyage des camps » de réfugiés hutu situés au Zaïre : 200 000 personnes sont tuées ou meurent de faim ou de maladie en forêt. Les extrémistes ne sont pas pour autant vaincus, comme en témoigne l’attaque que les FAR et leurs alliés (Interahamwe et Peuple armé pour la libération du Rwanda) lancent fin 1997, contre un camp du nord-est du Rwanda où se sont réfugiés des Tutsi de retour du Zaïre : le raid fait plusieurs centaines de victimes, pour la plupart tuées à la machette.
Pour empêcher les « génocidaires » des FDLR (Forces de libération du Rwanda) de se renforcer dans le grand pays voisin, Kagame arme la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, qui s’empare du pouvoir au Zaïre en 1996 (et renomme le pays République démocratique du Congo). Et lorsque son protégé commence à vouloir s’affranchir de lui, le régime de Kigali apporte son soutien aux rebelles qui contestent le pouvoir de Kinshasa dans l’est de la RDC, tout en exploitant les fabuleuses ressources minérales de la zone. Cf. Les guérillas du Congo
Au Rwanda même, plus de 100 000 personnes croupissent dans les prisons, dont près de 2000 seraient passibles de la peine de mort pour participation active au génocide. Les premières condamnations tombent en 2003 : elles émanent du système de juridictions locales mises en place par le régime, les « gacaca » (« gazon » en kinyarwanda, inspirées du droit coutumier et composées de membres « intègres » élus à chaque échelon administratif). En parallèle a été créé un Tribunal international (le TPIR), qui condamne à la prison à vie plusieurs responsables du génocide, dont un directeur de revue qui appelait ses lecteurs à utiliser la machette pour se débarrasser des « inyenzi » (cafards) tutsis.
D’abord vice-Président et ministre de la Défense, Kagame est devenu Président en 2000, après la démission de Pasteur Bizimungu, un Hutu francophone qui dénonçait notamment l’éviction progressive des ministres hutu du gouvernement sous des chefs d’accusation (comme la corruption) ne touchant jamais leurs homologues tutsi. C’est la fin du gouvernement « mixte » qui devait associer les Hutu aux cadres, majoritairement anglophones et Tutsi, du FPR. D’abord élu par le Parlement, Kagame l’est ensuite au suffrage universel, avec des scores de plus en plus élevés : 95,05 % en 2003, 93,08 % en 2010 et 98,79 % en 2017.
De multiples obstacles sont dressés sur la route des opposants, telle la loi qui réprime très sévèrement tout « divisionnisme ». Les voix discordantes sont bâillonnées, traquées et parfois éliminées, y compris à l’étranger. Fin 2013, l’économiste et opposante hutu Victoire Ingabire est condamnée à quinze ans de prison ferme pour « minimisation du génocide » : elle demandait que soient aussi condamnés les responsables des violences commises par le FPR contre les Hutus. Même les dirigeants d’Ibuka, l’association des victimes du génocide, sont contraints à l’exil, pour s’être plaints de ne pas être écoutés par le pouvoir. Le régime a beau être proche de la dictature, il demeure populaire auprès de nombreux Rwandais de toutes origines, qui apprécient le retour à la paix et à la sécurité, ainsi que de pays étrangers, qui saluent la remise sur pied de l’économie du pays et la lutte engagée contre la corruption. La croissance (plus de 7 % de moyenne entre 2012 et 2022) s’accompagne du développement d’infrastructures (routes, hôpitaux, électricité…) et de progrès notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Le Rwanda joue également la carte du développement touristique et pratique une « diplomatie militaire » qui lui permet de s’implanter économiquement dans différents pays, en y obtenant des contrats, des terres et des concessions minières. Le principal bénéficiaire en est Crystal Ventures, la holding liée au FPR. Des troupes rwandaises sont ainsi déployées en Centrafrique (où Kigali entretient 1200 Casques bleus et autant de soldats pour la formation de l’armée centrafricaine), ainsi que dans le nord du Mozambique, pour aider le pouvoir local à chasser des djihadistes.
Les rapports se sont en revanche rafraîchis avec le parrain ougandais, même si les deux pays s’accordent pour déstabiliser le pouvoir en RDC. Avec le Burundi, les relations sont tendues, chaque pays accusant l’autre de soutenir son opposition armée. En 2020, un accrochage meurtrier oppose deux vedettes de leurs marines dans le Rwaru, une zone les séparant dans le nord-est du Burundi, alors que l’embarcation rwandaise intervenait pour empêcher des pêcheurs burundais d’opérer dans ses eaux territoriales.
Ne pouvant briguer un troisième mandat, le chef d’État fait adopter, en 2015, une révision constitutionnelle qui instaure le quinquennat, dans la limite de deux mandats consécutifs… après un septennat transitoire, que Kagame effectue de 2017 à 2024. En juillet 2024, le Président « pulvérise » ses scores précédents en obtenant plus de 99 % des voix, face à deux candidats fantoches. La seule formation d’opposition autorisée, le Parti démocratique vert, obtient moins de 5 % aux législatives. Avec la réforme constitutionnelle, le sexagénaire numéro un rwandais pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2034.
Crédit photo : Ilene Perlman